• David Scholpp
    David Scholpp
    enseignant en psychopédagogie et chercheur au sein du Service de Soutien à la Recherche et aux Innovations (SSRI)
Propos recueillis par Aline Kockartz

Ciné-Scène, des séances en toute diversité

Comme la plupart des projets associatifs qui voient le jour, celui de l’asbl Ciné-Scène est né de conversations spontanées entre deux amis qui partagent une passion : le cinéma. Pour Charles Wery et David Scholpp, enseignants à la Haute École de la Ville de Liège (HEL) et à la Haute École Charlemagne des Rivageois (HECh), l’idée de proposer un Ciné-Club s’est imposée à partir de leur passion commune.

C’est assez logiquement qu’ils relancent en 2022 ce projet (qui avait déjà existé quelques années auparavant) en s’adressant à leur auditoire habituel : les étudiants de la HEL.

Après une année d’un « rodage passionnant », ils ont eu le souhait de s’adresser à un public bien plus large. C’est ainsi que l’asbl Ciné-Scène est créée en 2023. Depuis, un jeudi par mois, ils investissent la salle de projection du n° 86 du Bd d’Avroy (anciens locaux du Centre d’Action Laïque de la Province de Liège), qu’ils considèrent comme un lieu magique pour leur projet.
Depuis, aux étudiants se sont ajoutés des habitués de salles obscures, des habitants du quartier, des pensionnés ou travailleurs de différents horizons… Une diversité enthousiasmante qui réjouit les fondateurs de l’association !

En mars 2024, lors de l’assemblée générale, l’association a rejoint la fédération des associations du Centre d’Action Laïque de la Province de Liège.


Entretien avec

David Scholpp

Dix films pour autant de visions de l’humain

Salut & Frater­nité : Que propose votre association ?

David Scholpp : Une théma­tique annuelle décli­née en 10 œuvres ciné­ma­to­gra­phiques à décou­vrir ou redé­cou­vrir. Dix visions, dix approches, dix propo­si­tions. Dix films de genres et de types variés comme autant de portes d’entrée qui donnent à nous inter­ro­ger sur notre nature d’être humain, sur la façon dont nous inter­agis­sons, dont nous compo­sons avec nos senti­ments, la façon dont nous faisons société ou dont nous accueillons l’impétuosité de la vie.

Avant les séances, Charles Wery livre une brève intro­duc­tion qui s’intéresse au fond et à la forme du film programmé, le contexte de sa première sortie en salle, les spéci­fi­ci­tés du réali­sa­teur ou de la réalisatrice.

Après les séances, nous propo­sons des débats agréables, ronde­ment menés par Agnese Pozzoli (l’une de nos étudiantes) et réhaus­sés par la présence d’invités spécia­listes de la sous-théma­tique abor­dée par le film.

Les échanges se pour­suivent ensuite autour d’un verre dans une ambiance conviviale.

Avant et après les séances, les échanges se pour­suivent autour d'un verre dans une ambiance conviviale.

 

S&F : Quels sont vos constats par rapport à l’offre cultu­relle pour les jeunes ?

D.S. : À l’instar d’autres grandes et moyennes villes, Liège béné­fi­cie d’une offre cultu­relle riche, variée et inté­res­sante. Expos, musées, spec­tacles, concerts et autres événe­ments divers… De beaux efforts ont été faits pour rendre la fréquen­ta­tion de certains d’entre eux abor­dable. La préca­rité d’une part des étudiants, surtout non-univer­si­taires, est cepen­dant souvent sous-esti­mée et, dans notre société qui se libé­ra­lise, il faut rester sans cesse vigi­lant quant au main­tien de l’accessibilité de ces lieux à tous les publics, en ce compris les moins favorisés.

Le coût élevé de certaines acti­vi­tés cultu­relles peut inci­ter le public à se tour­ner vers les plate­formes de strea­ming. C’est hélas se priver de l’expérience unique du grand écran et du son qui enva­hit. C’est égale­ment passer à côté de ce je ne sais quoi que l’on ne retrouve que dans une salle de cinéma, plongé dans le noir parmi des incon­nus. Ce senti­ment si parti­cu­lier que l’on ressent lorsque l’on vit en même temps la même chose. Les sursauts synchro­ni­sés, les fris­sons qui parcourent tous les corps anonymes présents, les souffles rete­nus à l’unisson, les yeux qui s’humidifient… Puis les rires, aussi ! Oui, il se passe assu­ré­ment quelque chose dans une salle de cinéma. La somme de tous ces senti­ments semblables serait-elle en réalité expo­nen­tielle ? Proba­ble­ment. Se peut-il qu’il s’en dégage une force ou une éner­gie qui la dépasse ? Un égré­gore, peut-être… Nous le pensons !

C’est pour ces raisons que nous avons opté pour la totale gratuité de nos séances. Nous voulons que tous puissent parti­ci­per à nos projec­tions et prendre part aux échanges qui s’ensuivent. C’est essen­tiel pour nous. Cette gratuité et cette ouver­ture à tout un chacun nous permet de contri­buer modes­te­ment à l’accès à la culture et de nous inscrire, à notre façon et en tout humi­lité, dans une dyna­mique d’éducation permanente.

S&F : Quelles sont vos pers­pec­tives futures ?

D.S. : Après avoir minu­tieu­se­ment dissé­qué dix familles, thème de notre dernière saison, nous avons hâte d’entamer la nouvelle saison pour cette fois nous appe­san­tir sur le monde du travail.
Nous abor­de­rons les coulisses de dix métiers parti­cu­liers ou mécon­nus afin de tenter de mieux les comprendre. De l’aide-ménagère, à l’organisateur de banquet, de l’hôtesse de l’air au jeune méde­cin interne en passant par la pros­ti­tuée, l’humoriste, la jour­na­liste ou l’apiculteur, nous pour­rons décou­vrir que le quoti­dien des profes­sion­nels est parfois très éloi­gné de celui qu’on imagine et que, défi­ni­ti­ve­ment, il ne suffit pas de traver­ser la rue pour créer son propre job et prendre une place active dans la société.

Nous sommes parti­cu­liè­re­ment heureux des inter­ve­nants pres­ti­gieux qui déjà nous ont confirmé leur présence et parti­ci­pa­tion aux futurs débats, à commen­cer par Gaëlle Hardy et Agnès Lejeune, réali­sa­trices du magni­fique docu­men­taire « Au Bonheur des Dames ? » avec lequel nous inau­gu­re­rons la nouvelle saison le 26 septembre prochain.

Enfin, d’autres soirées hors program­ma­tion seront propo­sées en parte­na­riat avec d’autres orga­nismes, notam­ment le 11 octobre où nous parti­ci­pe­rons à Nuit Blanche contre Listes Noires, avec l’asbl La Cible en program­mant La cravate (Étienne Chaillou & Mathias Théry, 2019) et Les misé­rables (Ladj Ly, 2019). Une belle façon de conti­nuer à échan­ger et à « refaire le monde » dans les pers­pec­tives d’ouverture d’esprit, de liberté d’expression, de plura­lisme et de libre examen, qui nous sont si chères.

Encore aujourd’hui, et peut-être plus que jamais, il faut « garder les veilleuses allu­mées ». Pour obser­ver, pour apprendre, pour comprendre, et pour s’insurger aussi. Et nos veilleuses à nous, ce sont les leds des projec­teurs qui conti­nuent d’envoyer sur des toiles de cinéma et en milliards de pixels, des œuvres qui interpellent.

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