• Michèle Boverie
    Michèle Boverie
    secrétaire générale de l’Union des Villes et Communes de Wallonie asbl.

Les communes :  un contexte financier difficile

Si l’on dresse le bilan muni­ci­pal de la manda­ture 2018–2024, on constate que le contexte finan­cier est toujours plus contrai­gnant et lié notam­ment aux succes­sions de crises qui ont frappé la Wallo­nie depuis 4 ans (faut-il les rappe­ler : Covid 19, inon­da­tions meur­trières de 2021, accueil des réfu­giés ukrai­niens, crise éner­gé­tique, choc inflationniste,etc.). 

Quoi qu’il en soit, il convient de souli­gner que les communes (et les autres membres de l’UVCW) ont tenu le choc, main­tenu le cap et fait preuve d’une remar­quable rési­lience dans le service public rendu, en 1e ligne.

Si l’on se penche sur les causes des problèmes finan­ciers des communes, on doit rele­ver quatre dossiers très impac­tants : les pensions locales, la police, les pompiers et la pauvreté/la préca­rité crois­sante1.

Le dossier « pensions locales »2, tout d’abord, nous renvoie à une bizar­re­rie de notre système (un biais histo­rique lié à « l’autonomie commu­nale ») : les pouvoirs locaux, communes en tête, sont le seul niveau de pouvoir qui n’est pas aidé par le budget fédé­ral pour le finan­ce­ment des pensions de leurs agents statu­taires. Tous les autres niveaux de pouvoir le sont. Bref, le coût des pensions pèse terri­ble­ment (et de plus en plus) sur les budgets locaux. L’augmentation de ladite charge est prin­ci­pa­le­ment la résul­tante du critère démo­gra­phique : la géné­ra­tion du baby-boom arrive en masse à l’âge de la pension. Ainsi, au niveau des pouvoirs locaux wallons, si l’on prend quelques repères, la charge était de 800 millions d’euros en 2016, elle est de 1,3 milliard d’euros en 2024 et sera de 1,6 milliard en 2028. Il est donc essen­tiel que le prochain Gouver­ne­ment fédé­ral, en concer­ta­tion avec la Wallo­nie, déploie une solu­tion d’avenir pour ce dossier crucial.

Il est vital pour un pays de soute­nir ses villes et communes et ses para locaux (…)

Sur les dossiers police et pompiers, c’est dans le cadre de négo­cia­tions âpres et diffi­ciles que l’UVCW obtient que l’Etat fédé­ral finance les mesures qu’il a lui-même décidé mais qu’il souhaite trop souvent faire payer aux communes. Qu’on ne s’y trompe pas, l’Union défend les zones de police et les zones de secours en tant qu’institutions essen­tielles pour la popu­la­tion  mais, sur le thème de la neutra­lité budgé­taire, il convient d’être intran­si­geant et faire payer un Etat fédé­ral qui a trop souvent l’habitude de renvoyer « l’addition » aux villes et communes3.

En ce qui concerne la pauvreté et la préca­rité, il est indé­niable que la situa­tion se dégrade et que le dernier rempart contre l’exclusion sociale reste local, nous voulons bien entendu parler du CPAS, bras armé de la commune pour mener l’action sociale. Le méca­nisme de soli­da­rité entre la commune et le CPAS pèse égale­ment forte­ment sur les budgets locaux et nous récla­mons une inter­ven­tion plus impor­tante de la part de l’Etat fédé­ral dans le rembour­se­ment du revenu d’intégration sociale (RIS) par exemple, de manière à ce que la soli­da­rité natio­nale puisse s’exprimer pleinement.

Nous allons bien­tôt retour­ner aux urnes et notre pays va connaitre des élec­tions à tous les niveaux (fédé­ral, régio­nal et euro­péen en juin, commu­nal et provin­cial en octobre), voilà pour­quoi, l’Union des Villes et Communes de Wallo­nie a réalisé diffé­rents mémo­ran­dums pour reven­di­quer le soutien des auto­ri­tés supé­rieures envers les pouvoirs locaux (voir notre espace « Elec­tions » sur notre site inter­net https://​www​.uvcw​.be/​e​l​e​c​t​i​o​n​s​2​024 ).

© Andre Tais­sin – Unsplash​.com

Si l’on se demande pour­quoi il est vital pour un pays de soute­nir ses villes et communes et ses para locaux (CPAS, SLSP, Inter­com­mu­nales, zones de police, zones de secours), il nous parait essen­tiel de rappe­ler que : les pouvoirs locaux sont garants de démo­cra­tie la capa­cité de cohé­sion socié­tale des villes et communes et des para locaux est vitale pour le vivre-ensemble qui est jour­nel­le­ment menacé par les discours extré­mistes. En ces temps anxio­gènes et de désa­mour du citoyen envers « la » poli­tique, il est urgent de renfor­cer le pouvoir de proxi­mité qui est le premier à appor­ter des réponses aux besoins de la popu­la­tion. Car c’est lui qui récon­ci­liera le citoyen avec la poli­tique ; ils sont pour­voyeurs de nombreux services indis­pen­sables à la popu­la­tion : de la sécu­rité et de la sûreté publiques en passant par la propreté publique et la protec­tion de l’environnement, l’enseignement fonda­men­tal, la lutte contre la préca­rité et la pauvreté, la santé, l’accueil de l’enfance, l’aide aux séniors, …) ; et ils sont fers de lance d’actions de proxi­mité, qui permettent de faire perco­ler sur le terrain les objec­tifs de dura­bi­lité pour rencon­trer les défis immenses de notre siècle :le défi éner­gé­tique, le défi démo­gra­phique (loge­ment, inté­gra­tion des personnes d’origine étran­gère, …), le défi de la tran­si­tion clima­tique et envi­ron­ne­men­tale de la société et la protec­tion de la biodi­ver­sité, enjeux urgentissimes.

Les grandes reven­di­ca­tions de nos mémo­ran­dums sont les suivantes :une meilleure concer­ta­tion entre les auto­ri­tés supé­rieures et les villes et communes, les pouvoirs locaux ;le renfor­ce­ment de la gouver­nance des pouvoirs locaux avec notam­ment un soutien aux élus et à la démo­cra­tie parti­ci­pa­tive ;la garan­tie des moyens et ressources et notam­ment, la garan­tie de neutra­lité finan­cière des déci­sions des autres niveaux de pouvoirs sur les communes et autres pouvoirs locaux et une solu­tion au dossier crucial des « pensions du person­nel statu­taire local » ; la garan­tie de ressources humaines moder­ni­sées c’est-à-dire l’émergence d’une fonc­tion publique locale plus agile permet­tant d’attirer, de culti­ver, de déve­lop­per et de conser­ver les talents ; Et, enfin, la simpli­fi­ca­tion administrative/ l’E‑gouvernement dont tous les pouvoirs locaux sont égale­ment gran­de­ment demandeurs.

La tran­si­tion vers un futur durable passera néces­sai­re­ment pas les villes et communes et les pouvoirs locaux, la dyna­mique des « objec­tifs de déve­lop­pe­ment durable » (les fameux ODD) le souligne à suffi­sance. Espé­rons qu’ils soient le mieux armés possible pour jouer ce rôle essentiel.


  1. Voir notre veille finan­cière fédé­rale et régio­nale 2023 et pers­pec­tives 2024 https://​www​.uvcw​.be/​f​i​n​a​n​c​e​s​/​a​r​t​i​c​l​e​s​/​a​r​t​-​8​683
  2. Voir L. Mendola et K.Van Over­meire, Finan­ce­ment des pensions statu­taires locales, un chan­ge­ment de cap s’impose,  https://​www​.uvcw​.be/​p​e​r​s​o​n​n​e​l​/​a​r​t​i​c​l​e​s​/​a​r​t​-​7​805
  3. Voir l’observatoire des finances locales de l’UVCW https://​www​.uvcw​.be/​f​i​n​a​n​c​e​s​/​a​c​t​u​s​/​a​r​t​-​8​177
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