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La rédaction
L’édition 2011 : des démystifications aux utopies concrètes
À l’origine, la plupart des sociétés ou collectivités se sont organisées autour de mythes. Tout d’abord, les humains ont créé des récits fabuleux. À ce titre, le mythe est l’ancêtre de la science et de la philosophie. Ensuite, le mythe vise à unir une collectivité, à fonder et régir ses structures, ses hiérarchie et pratiques sociales. Il peut aussi définir les relations d’une collectivité avec les autres. Le mythe contient en général une morale implicite et s’accompagne de rituels ou d’éléments liturgiques. En fournissant des références communes, il favorise la communication des membres d’une collectivité et la transmission intergénérationnelle.
La programmation du Festival des Libertés s’inspirera de ces définitions et dimensions du mythe pour décrypter le monde d’aujourd’hui et une série de ses présupposés ou acquis, en termes de droits et libertés ou d’enjeux démocratiques, qui pourraient relever du mythe.
Face aux mythes contemporains, nous nous demanderons si leur fonction est plutôt explicative ou mystificatrice, fondatrice ou mobilisatrice, mobilisatrice pour le statu quo ou pour le changement. Quels types de comportement le mythe induit-il ou impose-t-il ?
Malgré l’avènement de la raison et de la science, nos sociétés ne sont pas complètement démythifiées ni démystifiées. De nouveaux mythes ont vu le jour, notamment via le cinéma, la publicité, la télévision. Ils sont incarnés par des personnages fictifs, des vedettes ou des produits. Citons le mythe de l’éternelle jeunesse, de la performance sexuelle, du bonheur dans la consommation, de l’épanouissement au travail, du « self made man »,… Il ne s’agit plus de mythes originels situés en dehors du temps mais de mythes ancrés dans notre quotidien et actifs sur notre perception du présent. Ils relèvent tantôt d’une manifestation sociale spontanée tantôt d’une manipulation d’ordre politique ou commercial. Ce sont des mythes d’autant plus puissants et sournois qu’ils ne se présentent pas comme tels.
Malgré l’avènement de la raison et de la science, nos sociétés ne sont pas complètement démythifiées ni démystifiées. De nouveaux mythes ont vu le jour, notamment via le cinéma, la publicité, la télévision. Ils sont incarnés par des personnages fictifs, des vedettes ou des produits.
De manière plus structurée, les idéologies s’appuient aussi sur des mythes. C’était le cas de l’idéologie communiste (mythes du déterminisme économique et du sens de l’Histoire, de la dictature du prolétariat, de la société sans classe,…), c’est aujourd’hui le cas de l’idéologie néolibérale (mythes de la main invisible, de la croissance génératrice d’emploi et de bien-être,…) ou de l’idéologie sécuritaire (mythes de l’inflation de la délinquance, de la punition dissuasive,…).
Le Festival des Libertés cherchera à cerner ces mythes contemporains, à les déconstruire et comprendre leur fonction sociale et politique. Que permettent-ils, qu’induisent-ils, que masquent-ils, à qui profitent-ils ?
Plus fondamentalement, en accord avec sa démarche libre-exaministe et son attachement à la démocratie universelle, le Festival des Libertés interrogera la réalité des principes qui se sont substitués aux mythes lors du passage à la modernité. En continuité avec nos précédentes éditions, nous prendrons la mesure de l’état des droits de l’Homme, des libertés individuelles et collectives, de la démocratie, de l’égalité, de la solidarité, du progrès,… Ces principes que nous défendons et qui sont revendiqués par nos sociétés sont-ils de l’ordre de la réalité, de l’illusion ou de l’utopie ? Organisent-ils notre vie sociale ou la mystifient-ils ? Font-ils encore sens pour l’ensemble des citoyens ? N’ont-ils pas été vidés de leur substance ? Ne servent-ils pas à masquer ou légitimer une réalité faite d’inégalités, de conditionnements, d’aliénations, de violences ? Ne sont-ils pas brandis par nos gouvernements ou affichés sur les frontons de nos institutions pour garantir le statu quo et laisser croire que tout va pour le mieux dans le moins pire des systèmes ?
Cependant un nombre croissant de citoyens ne sont plus dupes. Ils se rendent compte que notre société ne fonctionne plus comme elle le prétend, qu’elle « ruse avec ses principes », qu’elle repose sur la manipulation, le mensonge ou l’évitement des vraies questions.
Cependant un nombre croissant de citoyens ne sont plus dupes. Ils se rendent compte que notre société ne fonctionne plus comme elle le prétend, qu’elle « ruse avec ses principes », qu’elle repose sur la manipulation, le mensonge ou l’évitement des vraies questions. Les crises à répétition révèlent que les modèles et repères d’hier ne sont plus adéquats ou n’ont plus aucune réalité dans un monde en pleine transformation et ébranlement.
Démocratie, égalité, liberté, droits de l’Homme : il s’agit en général d’idéaux, de projets ou de programmes qui sont aujourd’hui soit inaboutis, soit en régression, soit déconnectés de leurs conditions de réalisation (il ne sert à rien de reconnaître un droit si l’on n’accorde pas les moyens nécessaires pour en jouir). En tout cas, ils ne fonctionnent pas. Il ne faut pas pour autant les abandonner.
Le Festival des Libertés invitera les citoyennes et les citoyens, à déconstruire le vernis mythique qui recouvre ces principes, à déprogrammer les systèmes qui ne fonctionnent pas pour installer de nouvelles pratiques et configurations susceptibles de réaliser la démocratie et ses principes. Il tâchera de substituer aux mythes mystificateurs, des utopies mobilisatrices. Au même titre que pour le mythe, la raison et la technique, il interrogera la fonction de l’utopie. Mythe, raison, technique, utopie sont-ils des moyens pour comprendre et transformer le monde ou pour le tromper et le dominer ? Il s’agira donc, comme toujours, de réfléchir à l’usage du mythe, de la raison, de la technique et de l’utopie.
Les utopies que nous voulons promouvoir sont des utopies sociales, politiques et culturelles porteuses d’un monde plus juste et plus en accord avec les principes que nous défendons. Des utopies qui, malgré le désenchantement du monde, permettent de reconquérir nos imaginaires, nos rêves et nos espoirs.
Les utopies que nous voulons promouvoir sont des utopies sociales, politiques et culturelles porteuses d’un monde plus juste et plus en accord avec les principes que nous défendons. Des utopies qui, malgré le désenchantement du monde, permettent de reconquérir nos imaginaires, nos rêves et nos espoirs. Des utopies créatives qui incitent non seulement à rêver un monde meilleur mais à le créer. Des utopies à expérimenter ici et maintenant à travers de nouvelles pratiques, de nouvelles formes d’expressions et de rapports. Des utopies pragmatiques, qui ne détournent pas du réel ni du présent mais poussent à y agir concrètement et conséquemment : « L’utopie n’est pas la fuite dans l’irréel mais l’exploration des possibilités objectives du réel et la lutte pour leur concrétisation. ».
Il est temps de passer à l’acte. Il est temps de non seulement nous indigner mais de nous insurger. Il est temps de donner du contenu, de l’effectivité et des garanties aux droits et aux libertés, à la solidarité et à l’égalité.
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