• Philippe Barzin
    Philippe Barzin
    secrétaire général du Conseil de l’Enseignement des Communes et des Provinces (CECP)

Pour un enseignement communal, neutre et de qualité !

Les communes sont des acteurs majeurs dans le système scolaire : elles scola­risent plus de 50% des élèves des niveaux mater­nel et primaire, ce qui en fait le réseau le plus impor­tant au niveau fondamental.

Certaines communes orga­nisent égale­ment de l’enseignement secon­daire, de l’enseignement de promo­tion sociale, ainsi que de l’enseignement secon­daire artis­tique à horaire réduit (ESAHR). Si l’on ajoute à cela que les pouvoirs locaux assurent la prise en charge des enfants de leur nais­sance jusqu’à leur majo­rité (gestion de crèches, de l’accueil temps libre, de biblio­thèques, de struc­tures spor­tives, etc.), cela permet, via des poli­tiques croi­sées, de soute­nir et de renfor­cer l’éducation globale de nos enfants.

Dans le présent article, nous nous concen­trons prin­ci­pa­le­ment sur l’enseignement commu­nal fonda­men­tal car la toute grande majo­rité des communes orga­nisent ce niveau d’enseignement et se foca­li­ser davan­tage sur ce niveau d’enseignement n’est pas un choix anodin : c’est le niveau d’enseignement au sein duquel on construit et on conso­lide les fonde­ments pour doter les enfants des savoirs de base, des savoir-être et des savoir-faire indis­pen­sables à leur développement.

L’enseignement commu­nal, c’est avant tout un ensei­gne­ment de proxi­mité qui est orga­nisé par des pouvoirs publics locaux, donc par des pouvoirs orga­ni­sa­teurs dont les repré­sen­tants sont élus démo­cra­ti­que­ment. Partant de cela, l’enseignement commu­nal est le réseau d’enseignement le plus apte à répondre aux besoins et aux aspi­ra­tions de la collec­ti­vité locale en matière d’instruction et d’éducation.

L’école commu­nale, c’est l’école du village, l’école du quar­tier ! C’est l’un des lieux qui permet à chaque élève, dès son plus jeune âge, de nouer des rela­tions avec les autres dans son envi­ron­ne­ment proche et de se construire une identité.

Si les écoles commu­nales peuvent propo­ser des projets spéci­fiques, il n’en demeure pas moins qu’elles entendent toutes propo­ser un ensei­gne­ment de qualité, ouvert à tous, respec­tueux de toutes les concep­tions philo­so­phiques et idéo­lo­giques et lutter contre toute approche dogma­tique allant à l’encontre de nos valeurs démo­cra­tiques et huma­nistes. Elles placent au centre de leurs prio­ri­tés la construc­tion d’une société plus soli­daire et le déve­lop­pe­ment de personnes infor­mées, enga­gées, éman­ci­pées et responsables.

Accueillir tous les enfants, quelle que soit leur origine socio-écono­mique, pour les mener à acqué­rir des savoirs, savoir-faire et savoir-être de haut niveau est l’ambition de l’enseignement des communes. Il n’est pas éton­nant qu’un des enjeux pour ce faire est de réduire, autant que faire se peut, les couts rela­tifs à la scola­rité pour les familles

© Ville de Liège
L'ambition de l'enseignement des communes est d'accueillir tous les enfants, quelle que soit leur origine socio-écono­mique, pour leur permettre d'évoluer aux plus hauts niveaux dans la société.

Dans le cadre de la réforme du Pacte pour un Ensei­gne­ment d’excellence, le Conseil de l’Enseignement des Communes et des Provinces (CECP) a défini des orien­ta­tions péda­go­giques claires qui ont été traduites notam­ment dans les nouveaux programmes d’études du tronc commun. L’objectif est de soute­nir l’évolution des pratiques péda­go­giques en faveur d’un ensei­gne­ment au sein duquel inéga­li­tés scolaires ne rime pas avec inéga­li­tés sociales. Ce sont des choix forts qui permettent aux acteurs scolaires du réseau commu­nal de garan­tir un ensei­gne­ment toujours plus quali­ta­tif, acces­sible et équitable.

L’enseignement commu­nal adhère au prin­cipe de neutra­lité. Cela signi­fie notam­ment que les faits sont travaillés avec la plus grande objec­ti­vité, que la diver­sité des idées est accep­tée, que l’esprit de tolé­rance est déve­loppé, que chacun est préparé à son rôle de citoyen respon­sable dans une société plura­liste, que les élèves sont éduqués au respect des liber­tés et des droits fonda­men­taux, qu’ils ont le droit d’exercer leur esprit critique , que la liberté d’expression et la liberté de mani­fes­ter sa reli­gion ou ses convic­tions sont garan­tis et qu’aucune vérité n’est impo­sée. Chaque élève est encou­ragé à recher­cher et à construire libre­ment sa vérité. Les pouvoirs orga­ni­sa­teurs veillent encore à ne pas mani­fes­ter de préfé­rence pour une convic­tion poli­tique, philo­so­phique, idéo­lo­gique ou reli­gieuse particulière.

Dans les prochaines années, les pouvoirs orga­ni­sa­teurs commu­naux devront être atten­tifs à trois prin­ci­paux enjeux.

Premiè­re­ment, conti­nuer la mise en œuvre des mesures du Pacte d’excellence. Avec la réforme du Pacte pour un Ensei­gne­ment d’excellence, la plupart des mesures proje­tées ont été implé­men­tées dans les écoles du niveau fonda­men­tal et ont conduit à « bous­cu­ler » l’organisation des écoles, la culture profes­sion­nelle des ensei­gnants, les moda­li­tés de travail, les pratiques d’enseignement, tout cela afin de rendre notre système scolaire plus effi­cace, plus équi­table et plus effi­cient. Une réforme systé­mique impli­quant autant de nouvelles mesures reste une première à l’échelle des systèmes scolaires étran­gers. Au rythme effréné de mise en œuvre des mesures du Pacte est venue s’ajouter la crise sani­taire et sa gestion, qui ont épuisé les équipes éduca­tives. Il serait naïf de croire que parce que les réformes sont entrées en vigueur, elles sont derrière nous : même si les décrets ont été votés et que les mesures sont offi­ciel­le­ment d’application, le chemin qui est devant nous reste long et complexe. Les pouvoirs orga­ni­sa­teurs vont devoir soute­nir leurs équipes éduca­tives afin de pour­suivre la mise en œuvre de ces mesures afin de rencon­trer les objec­tifs d’amélioration assi­gnés au système scolaire ainsi que les objec­tifs spéci­fiques que les écoles se sont elles-mêmes fixés dans le cadre de leur contrat d’objectifs. Le CECP sera bien entendu présent à leurs côtés pour rele­ver ce défi.

Le deuxième enjeu, très spéci­fique à ce réseau d’enseignement, sera celui des écoles ou des parcours de tronc commun qui garan­tira un même parcours pour tous les élèves, de la première mater­nelle à la troi­sième secon­daire. Aujourd’hui l’enseignement commu­nal est le réseau qui scola­rise le plus d’élèves au niveau fonda­men­tal, ce qui est lié aux spéci­fi­ci­tés évoquées ci-avant. Demain, lorsque les premiers élèves du tronc commun entre­ront dans le secon­daire, la ques­tion de la créa­tion d’écoles de tronc commun ou l’élaboration de formes de parte­na­riats entre les écoles fonda­men­tales et les écoles secon­daires seront à l’ordre du jour. La carto­gra­phie des écoles secon­daires rele­vant de l’enseignement offi­ciel subven­tionné n’est pas rassu­rante et il ne sera pas possible de créer des écoles de tronc commun partout, au regard du parc immo­bi­lier exis­tant. Il n’existe pas assez d’écoles secon­daires rele­vant de l’enseignement offi­ciel, à proxi­mité de toutes les écoles fonda­men­tales commu­nales, permet­tant l’établissement de parte­na­riats péda­go­giques qui garan­ti­raient, aux parents qui le souhaitent, le droit à béné­fi­cier d’un ensei­gne­ment neutre. De surcroît, le Gouver­ne­ment sortant n’a ni modi­fié le cadre légis­la­tif permet­tant de créer des écoles de tronc commun, ni réglé le sort du « Décret inscrip­tions » permet­tant d’y voir plus clair sur les formes de parte­na­riats péda­go­giques à envi­sa­ger. Cet enjeu est crucial car les moda­li­tés via lesquelles le tronc commun va s’implanter risque de jouer sur l’attractivité de notre ensei­gne­ment et donc sur son finan­ce­ment puisque celui-ci est lié au nombre d’élèves inscrits.

Le troi­sième enjeu est l’instauration de deux heures de cours de philo­so­phie et citoyen­neté (CPC) pour tous les enfants. Dans l’enseignement commu­nal, les élèves béné­fi­cient aujourd’hui d’une période de cours de philo­so­phie et de citoyen­neté (CPC) par semaine et d’une période de cours de reli­gion ou de morale non confes­sion­nelle. Pour les parents ne souhai­tant pas que leur enfant suive un cours « engagé » aux yeux de la Cour consti­tu­tion­nelle (soit un cours de reli­gion ou de morale non confes­sion­nelle), il est possible d’opter pour une seconde période hebdo­ma­daire de CPC. Dans l’enseignement fonda­men­tal commu­nal, l’organisation des cours de reli­gion et de morale non confes­sion­nelle génère de nombreuses diffi­cul­tés orga­ni­sa­tion­nelles, jusqu’à impo­ser parfois de sous­traire les élèves d’autres acti­vi­tés péda­go­giques pour leur permettre de suivre un cours de reli­gion ou de morale. À cela s’ajoute qu’avec une seule période obli­ga­toire par semaine, les objec­tifs du réfé­ren­tiel de CPC ne peuvent être que très partiel­le­ment atteints. Suite à l’évaluation menée par la Commis­sion de l’Éducation du Parle­ment de la Commu­nauté fran­çaise, une réso­lu­tion a été adop­tée par le Parle­ment qui recom­mande au Gouver­ne­ment d’étendre le CPC à raison de deux périodes par semaine pour tous les élèves et de rendre option­nels les cours de reli­gion ou de morale en conti­nuant à les propo­ser dans des condi­tions qui rendent confor­tables pour les élèves l’exercice de leur droit consti­tu­tion­nel à une éduca­tion morale ou reli­gieuse. Il faut souli­gner qu’il est surpre­nant, voire inad­mis­sible, que l’on passe sous silence que le réseau libre confes­sion­nel n’organise pas ces périodes de CPC, créant une véri­table diffé­rence entre réseaux d’enseignement !

À la lueur de ce qui précède, on constate à quel point l’ambition, le dyna­misme et le profes­sion­na­lisme des pouvoirs locaux peuvent influer sur la qualité de l’enseignement commu­nal, il est donc essen­tiel que les nouvelles majo­ri­tés commu­nales qui s’installeront à la fin de l’année 2024, saisissent toute l’importance de leur impli­ca­tion et pour­suivent, voire renforcent, le travail déjà déployé.

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